Quand la pandémie force l’industrie aérienne à se repenser


Par Geneviève Cournoyer-Scalise 02 décembre 2020

Le secteur aérien a été et est toujours durement touché par la crise causée par la Covid-19. Compte tenu des mesures sanitaires en matière de santé publique qui sont déployées mondialement, en plus des restrictions de voyage et de la fermeture des frontières, les compagnies aériennes n’ont d’autres choix que d’entrer en mode solution et d’établir de nouvelles priorités pour maintenir une certaine activité économique.

Avec plus de 80 % de la flotte d’avions passagers qui est clouée au sol depuis le début de la pandémie, les capacités de transport de marchandises commerciales ont été grandement affectées. Saviez-vous que l’on retrouve à bord de tous les vols passagers une grande proportion du transport de fret de type cargo ? En chiffres, il s’agit de 70 % à 80 % du transport de fret aérien mondial qui voyage dans les soutes des avions passagers plutôt qu’en avion-cargo.1 Cette stratégie opérationnelle permet, entre autres, d’optimiser l’espace disponible à bord des avions et de limiter les coûts du transport aérien. Ainsi, avec un nombre minimal de vols passagers toujours en opération, la capacité prévue pour le cargo se voit réduite pendant que les coûts liés au transport augmentent.

Pour pallier ces contraintes, certains de nos transporteurs canadiens spécialisés dans les vols de passagers ont su réagir rapidement. Ils ont modifié leurs flottes d’avions pour répondre aux besoins de l’industrie du fret, dont la demande n’a pas diminué depuis mars dernier. Par exemple, Air Canada a modifié l’intérieur de sept (7) de ses appareils, en retirant les sièges de ses avions passagers pour ainsi en faire des vols tout cargo. Ainsi, l’aéroport Pierre Elliott Trudeau de Montréal (YUL), qui n’a pas d’emblée la vocation de vol tout cargo, s’est adaptée pour faire face à la crise. Évidemment, cette nouvelle vocation est temporaire pour l’aéroport de la métropole qui compte bien retrouver son caractère hybride une fois que les opérations aériennes retrouveront leur normalité.

D’autres grandes compagnies aériennes, comme American Airlines et United Airlines, ont commencé à exploiter des vols de fret cette année, dans l’espoir d’endiguer leurs pertes. Au troisième trimestre de 2020, les revenus de fret de United ont bondi de près de 50 % par rapport à l’année précédente. 2

Cette résilience des transporteurs aériens démontre bien l’importance du transport de fret au sein de l’ensemble de l’industrie aérienne. De plus en plus, et ce partout dans le monde, la notion de cargo à l’intérieur de l’avion est un intrant essentiel dans le calcul de profitabilité d’une liaison. Le 20 novembre dernier, lors du forum virtuel RELANÇONS MONTRÉAL, tenu par la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, le Vice-président aux Affaires publiques des Aéroports de Montréal, Martin Massé, a déclaré « qu’il est extrêmement important pour Montréal que l’industrie du cargo soit en bonne santé pour permettre à nos compagnies aériennes de conserver une part de marché dans des destinations qui se trouve à l’autre bout de la planète, en Asie ou ailleurs. Par ailleurs, il souligne “qu’il faut trouver un bon équilibre entre la présence de passagers en classe affaires et en classe économie, mais il faut aussi compter sur une plus grande espace dédiée au cargo dans des appareils renouvelés, comme c’est le cas dans les Boeing 787 ou dans les nouveaux Airbus”.

Comme le transport aérien connait des limites en matière de poids et de volume, les entreprises qui produisent ou distribuent des biens de haute valeur, mais de tailles raisonnables, tendent à privilégier ce mode de transport. Selon l’Association internationale du transport aérien (IATA), le transport aérien de marchandises représente moins de 1 % en volume, mais tout de même plus de 35 % en termes de valeur des échanges dans le monde. 2 Le bon mode de transport pour le bon produit, telle est la devise de la réussite pour l’industrie du transport et de la logistique. Comme quoi le transport aérien est parfois la solution la plus optimale en fonction de la nature du produit, des délais de livraison et de la distance à parcourir pour se rendre à destination.

Malgré les effets néfastes de la pandémie, certaines compagnies aériennes se sont ajustées et sont même allées jusqu’à repenser la nature même de leurs opérations. À la suite des récents constats, de nouveaux projets ont émergé chez Air Canada qui a récemment annoncé son intention de se lancer dans le marché du tout cargo, grâce à l’acquisition de nouveaux avions conçus spécialement pour le transport de marchandises commerciales et qui viendront bonifier leur flotte d’avions passagers vers la fin de l’année 2021.

Avec ces nouvelles perspectives et des opérations plus diversifiées, l’industrie aérienne prépare graduellement sa relance économique. Et, tout porte à croire que tel un phénix, elle saura renaitre de ses cendres et reprendre son ascension sous peu.

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